Loi anti-cadeaux : de la moralisation des relations entre industriels et professionnels de santé

Proposer un café à un étudiant en médecine sur le stand d’un congrès, offrir un rabais à un client pharmacien particulièrement fidèle, organiser un cocktail dinatoire pour présenter son nouveau produit à une assemblée de chirurgiens-dentistes… Ces situations peuvent vous sembler familières, voire routinières, mais qu’en est-il de la légalité de ces pratiques ?

La législation française encadre particulièrement les avantages consentis par les industriels de la santé aux professionnels de santé. Les origines de cette législation se trouvent dans une loi de 1993 qui a été consolidée et renforcée au fil des années. Les dernières précisions sont parues au Journal officiel en août 2020.

Il s’agit d’un dispositif anti-corruption visant à moraliser et à rendre plus transparentes les relations entre les acteurs de la santé. Ainsi, il est par principe interdit aux industriels d’octroyer un quelconque avantage, que ce soit en nature ou en espèce, directement ou indirectement, à un professionnel de santé. Et la réciproque est vraie : il est interdit à ces derniers d’accepter les avantages qui leur sont proposés.

Ces restrictions partent d’un principe simple : lorsqu’un patient se voit prescrire un produit de santé, il doit pouvoir avoir la certitude que son professionnel de santé l’a sélectionné pour sa pertinence envers sa pathologie ou ses symptômes, et non parce qu’il en tire personnellement un avantage quelconque.

Les domaines d’activité des industriels concernés par ces restrictions sont très variés : fabrication, distribution, importation de médicaments, de dispositifs médicaux (y compris de diagnostic in vitro), de produits sanguins labiles, et bien d’autres encore.

Du côté des bénéficiaires, la législation porte non seulement sur les professionnels de santé, y compris certains professionnels de médecine non conventionnelle comme les ostéopathes ou les chiropracteurs, mais aussi tous les étudiants se destinant à des professions de santé, les associations de professionnels de santé et d’étudiants, les société savantes et conseils de l’ordre, ainsi que certains fonctionnaires.

Il existe tout de même des cas où la rémunération d’un professionnel de santé est possible, notamment dans le cadre d’un contrat de travail (il est tout à fait légal de compter des professionnels de santé parmi ses salariés) ainsi que pour l’exploitation ou la cession de droit de propriété intellectuelle, par exemple dans le cas du rachat d’un brevet. Certains avantages, considérés comme ayant une valeur négligeable, échappent également à la loi anti-cadeaux : repas pris sur le pouce, ouvrages scientifiques ou fournitures de bureau par exemple, sous la condition de ne pas dépasser certains plafonds définis par arrêté.

Il est en outre possible de déroger à l’interdiction par principe en établissant une convention entre l’industriel octroyant l’avantage et le bénéficiaire. L’objet de la convention doit toutefois se restreindre à certaines finalités bien encadrées telles que les activités de recherche, la prestation de conseil ou la participation à des manifestations professionnelles ou scientifiques. De plus, ces conventions font l’objet d’un régime de déclaration voire d’autorisation auprès du conseil de l’ordre compétent si le montant de la convention dépasse certains seuils.

Les sanctions peuvent être lourdes en cas de non-respect de ces dispositions tant du côté de l’industriel que du bénéficiaire. Des amendes et des peines d’emprisonnement peuvent être prononcées contre les deux parties, assorties de peines complémentaires comme des mesures de publicité ou de confiscation des avantages concédés. Ainsi, en 2017, des industriels du domaine dentaire ont été condamnés pour non-respect des dispositions anti-cadeaux au versement d’amendes de 40 000 et 75 000 € !

La déclaration des liens entre les industriels et les professionnels de santé doit obligatoirement être rendue publique. À cet effet, le site transparence.sante.gouv.fr permet la consultation des différents avantages et conventions fournis aux professionnels de santé. De plus, lorsqu’un professionnel de santé s’exprime durant un congrès devant ses pairs, il doit présenter ses liens d’intérêt en introduction de son intervention.

La loi anti-cadeaux n’a pas pour objectif d’assécher les relations entre industriels et professionnels de santé, mais de les assainir au bénéfice des patients. Comme pour le management de la qualité ou les affaires règlementaires, des bonnes pratiques de la transparence peuvent être instaurées dès le début d’une aventure entrepreneuriale. Il sera alors possible de nouer des liens riches et sincères, dans ou en dehors d’un contexte commercial, à condition d’élaborer un cadre d’échange basé sur le respect et l’éthique.

Clément Marrel
Consultant dispositifs médicaux

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